Vivre et décider ensemble : l’idée même de démocratie est en péril. Minée par son incapacité à s’attaquer aux injustices grandissantes, ébranlée par la défiance sans cesse plus profonde à l’égard de ses représentant·es, attaquée frontalement par les régimes autoritaires raillant sa faiblesse présumée, la démocratie vacille. La démocratie s’effrite et la plupart des responsables politiques blâment ce qu’il leur reste d’électeurs. La Démocratie tangue… mais refuse de se réinterroger. Fin de l’histoire ?

Le plus grand mouvement social de ces dernières décennies concentre ses revendications sur l’approfondissement de la démocratie… et le président renonce à la promesse de réformes institutionnelles sur laquelle il a été élu. Une jeunesse angoissée par son avenir place ses espoirs dans la délibération de 150 citoyen·nes tiré·es au sort… et l’Assemblée nationale valide le détricotage méticuleux de leurs propositions par des lobbys de tout poil. Une pandémie nous appelle à réinventer la prise de décision collective par temps de crise… et un obscur Conseil de défense confine le débat public. Nourris par un nouveau rapport à la politique, des équilibres inédits émanent des dernières législatives… et le gouvernement passe le budget à coups de 49.3. Une alliance syndicale retrouvée rassemble pacifiquement des millions de Français dans la rue avec le soutien d'une écrasante majorité de la population... et le "cheminement démocratique" de la réforme des retraites se résume à un "débat contraint" conclu par le seul (non) vote d'une motion de censure. L’Histoire s’obstine à nous pousser vers plus et mieux de démocratie… et les tenant·es de nos institutions s’obstinent à préserver chacune de leurs portions de pouvoir. Pas possible d’être du côté du manche et en même temps dans le sens de l'Histoire ?

Et si, le sens de l’Histoire, c’était pourtant le retour aux sources de nos espoirs démocratiques ? Et si, la condition du progrès, c’était de lâcher la rampe de nos certitudes républicaines ? Rien ne nous oblige à réclamer une "vraie démocratie" (à laquelle on oppose trop facilement la "dictature"), mais tout nous pousse à exiger une "démocratie complète". Pourquoi serions-nous condamné·es à affronter les tourments du monde et les fracas de la vie en commun en nous choisissant successivement un unique roitelet et sa ribambelle de petits chefs ? Pourquoi devrait-on croire encore à la fable du leader éclairé, au récit de notre propre minorité ? Je n’y crois plus. Quand le sage montre la 1^ère Démocratie, l'imbécile regarde la 5^ème République. Il nous faut une démocratie complète. Il nous faut vouloir une démocratie complète. Ajoutons l’initiative, le contrôle populaires et la délibération citoyenne à l'unique logique de délégation. Réfléchissons ensemble, librement, fraternellement, au juste équilibre entre RIC, tirage au sort et élections au cœur d’institutions profondément renouvelées. A minima "déprésidentialisées". Ne nous contentons pas de la seule "commission transpartisane" confirmée par le président de la République dans ses voeux pour 2023. Le monde nous regarde. L'Histoire nous appelle.

Françaises, Français, construisons ensemble de nouvelles règles du jeu politique pour relever collectivement les défis de notre siècle. Descendant·es des gilets jaunes, abstentionnistes convaincu·es, politistes hétérodoxes, militant·es des transitions, collectifs et élu·es néo-démocrates, citoyen·nes invisibles, disons le haut et fort : nous voulons un moment reconstituant populaire. Son temps joyeux est venu !

Julien Roirant
Fondateur d’AgoraLab
et animateur du collectif
#LesApérocrates.