Pouvoir, vouloir, croire.

Trois conditions pour une participation effective des citoyen(ne)s

Collectivités, institutions, associations… Vous voulez lancer une démarche de concertation ? Pour concevoir une stratégie de dialogue utile et constructive, mettez-vous un instant dans la peau de celles et ceux que vous voulez embarquer ! Ca y est ? Maintenant, vous êtes prêt(e) à entendre les trois conditions de leur participation effective :

CROIRE
en la promesse d’écoute
qui leur est faite.

POUVOIR
facilement s’exprimer…
en connaissance de cause.

VOULOIR
donner de leur temps...
de cerveau disponible.

Enquête après enquête, les Françai(se)s manifestent leur désir croissant de participer à la décision publique. Le baromètre 2022 de la communication locale montre, par exemple, que 9 Français sur 10 estiment que les dispositifs de participation citoyenne sont "une bonne chose". Cette même étude révèle pourtant que seuls 55% ont entendu parler de ceux dans lesquels on leur propose de s’impliquer… Oups ! Fin 2021, un autre sondage montrait même que 68% de la population pense que "ça ne sert à rien" car "on ne tient pas compte de nos avis". Re-Oups !

A travers cet article librement inspiré du modèle anglo-saxon CLEAR (2006) et rédigé au prisme de mon expérience professionnelle à la croisée de la communication politique et de l’ingénierie de la concertation, je propose trois principes simples ainsi que des exemples et exercices associés, pour vous aider à concevoir et à mettre en œuvre des démarches de participation mobilisatrices et constructives.

Donnez confiance aux citoyen(ne)s dans l’utilité réelle de leur participation.

On ne peut pas vraiment reprocher aux citoyen(ne)s de parfois douter de vos intentions : dans la plupart des consultations que j’ai accompagnées, pour le dire poliment, la dimension "pédagogique" se mêlait allègrement à la volonté de co-construction affichée par les commanditaires. Ce n’est pas sale, mais ce n’est pas très juste…

Si, en votre for intérieur, vous savez que vous voulez surtout convaincre vos concitoyens que vous avez la bonne solution sur un sujet donné ou si vous voulez les aider à mieux comprendre des enjeux spécifiques, alors ne parlons pas de consultation… Vous pouvez par exemple organiser un débat (public) avec vos contradicteurs, mais vous gagnerez à afficher vos couleurs. Si, en revanche, vous croyez que l’avis de vos concitoyens peut être utile pour éclairer une décision à venir ou que l’intelligence collective peut permettre d’apporter une réponse plus juste et efficace à un problème auquel vous êtes confronté, alors, continuons !

BONNE PRATIQUE 🔎
Le mandat nantais de concertation

A Nantes (ville et métropole), dans le cadre de chaque nouvelle démarche labellisée "dialogue citoyen", les élus concernés ont pris l’habitude de formaliser et de signer un "mandat de concertation" à travers lequel ils s’engagent formellement sur les suites qui seront données aux avis citoyens recueillis.

⚙️ EXERCICE
Entre nous, qu’est-ce qu’il reste à discuter ?

En une phrase ou deux, avec des mots simples expliquez aux citoyen(ne)s pourquoi vous avez besoin de leur avis sur la thématique qui vous occupe et comment vous allez concrètement le prendre en compte.

Offrez la possibilité réelle de contribuer utilement à la réflexion.

Que vous les appelliez "usual suspects" ou "toujours les mêmes" (TLM, pour les intimes), vous les connaissez déjà, celles et ceux qui répondront présent à votre appel à participation… Et ceux qui croient qu’ils n’ont rien d’intéressant à dire ? Et celles qui n’ont pas le temps ou ne savent même pas que vous avez besoin de leur avis, on en fait quoi ?

Pour prendre part à une démarche de concertation, il faut d’abord se sentir "légitime", oser prendre la parole ! La première de vos responsabilités est dont de faciliter l’expression des publics avec lesquels vous voulez dialoguer. Ca passe par la mise à disposition d’informations claires, objectives et accessibles sur les enjeux de la discussion (une vidéo, une BD ou un schéma remplaceront alors utilement le long article rédigé par des experts). Ca passe aussi par la mise à disposition de ce que j’appelle de la "matière à réaction" : la mise en avant de propositions alternatives déjà produites sur lesquelles on invite les publics à se prononcer avant d’approfondir la discussion.

Mais pour prendre part à une discussion, il faut aussi disposer de canaux d’expression simples et engageants. Deux astuces : aller vers vos publics plutôt que de leur demander de venir à vous (événementiel participatif dans l’espace public, échanges informels en face à face, ateliers avec des publics captifs, etc.) et compléter les dispositifs « présentiels » par une possibilité d’intervention numérique (le questionnaire en ligne est le moyen préféré de participation pour 46% des Français. Il l’est même pour 57% des plus de 65 ans selon le dernier baromètre Epiceum).

BONNE PRATIQUE 🔎
A enjeux inclusifs, démarche inclusive

A l’occasion d’une consultation autour de la réorganisation d’une association départementale d’accompagnement de personnes en situation de handicap intellectuel, nous avons adapté les canaux d’information et d’échange à chacun des publics concernés : un facebook live interactif en fin de journée pour ouvrir le dialogue avec les familles, des animations participatives ludiques auprès des personnes accompagnées au sein même de leur structure, un questionnaire en ligne et des ateliers décentralisés avec des familles et des professionnels représentatifs de la diversité des problématiques.

⚙️ EXERCICE
Participez, qu’ils disaient ! Oui, mais comment ?

Passez en revue les différents publics concernés par votre sujet et apportez une réponse concrète aux deux questions suivantes.:

1 / Quel geste spécifique pouvez-vous faire en direction de chaque type de public pour lui proposer de contribuer facilement à la discussion ?

2 / A l’aide de quel support simple et accessible pourrais-je synthétiser et partager les enjeux soulevés par la problématique.?

Suscitez l’envie de consacrer du temps personnel à l’intérêt général.

Pourquoi les acteurs publics s’obstinent-ils à partager des concepts alambiqués et des questions théoriques avec leurs concitoyens ? Assises du vivre ensemble, états généraux de la démocratie locale… Vous la sentez venir, la brochette d’experts qui vous expliquera doctement ce que vous devriez penser ? Oui, la démocratie, c’est sérieux. Oui, il y a aussi des savoirs à partager. Mais qui a dit que ça devait être chiant, de réfléchir et de décider ensemble ?

Avant de lancer une concertation sur un sujet qui vous paraît essentiel, demandez-vous comment il impacte concrètement vos concitoyens, puis essayez de reformuler la question telle qu’elle se pose dans leur quotidien… C’est ensuite, à travers l’échange et le débat, que vous tirerez le fil de l’intérêt général et des principes partagés. Quant aux temps forts des formats de dialogue que vous proposerez, par pitié, dépassez les bonnes vieilles réunions publiques à la papa ! Temps conviviaux et ouverts ou activités ludo-participatives en lien avec la thématique… laissez parler votre imagination.

BONNE PRATIQUE 🔎
Un cirque et des goûters pour parler d’éducation

Il y a quelques années une ville populaire m’a sollicité pour organiser des "assises de l’éducation" un samedi après-midi de novembre. Nous sommes rapidement convenus que peu de parents d’élèves choisiraient d’y consacrer une demi-journée et avons imaginé ensemble un format tout bête de "goûters de l’éducation" organisés à la sortie des écoles de la ville. Des centaines de conversations guidées avec les parents ont ainsi permis de réinterroger la politique éducative municipale, puis d’en partager les conclusions à l’occasion… d’un spectacle de cirque offert aux familles de la ville.

⚙️ EXERCICE
Et vous, vous vous déplaceriez un soir de semaine ou en week-end ?

Imaginez une affiche qui donnerait envie à votre public de se déplacer (en famille) au lancement ou à la restitution de votre démarche de concertation. Faites l’exercice de trouver un nom court et interpellant, puis de rédiger la question simple et concrète à laquelle vous répondrez ensemble ainsi qu’une liste d’activités ludiques qui vous permettront de la creuser.

J’espère que ces quelques réflexions vous auront été utiles pour interroger et enrichir vos prochaines démarches de dialogue. Je me tiens évidemment à votre disposition pour aller plus loin, notamment pour vous aider à dépasser les pures approches consultatives en les articulant avec des dispositifs visant à une réelle co-décision et, pourquoi pas, explorer les voies de la démocratie directe…

Démocratiquement vôtre,

Julien ROIRANT
Activateur du débat public
agoralab.fr